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de quitter le théâtre pour un ou deux ans. Mais elle ne veut pas entendre parler de se ménager.

— Vous eussiez mieux fait, dit alors au docteur Fourchois un petit avoué à lunettes vertes, de lui conseiller de quitter son amant. C’est lui qui la tue ; elle en est folle, et il paraît qu’il la maltraite beaucoup.

— Il paraît… il paraît ! répondit assez judicieusement le docteur ; dans ce pays-ci, quand on a dit : Il paraît, on croit avoir prouvé quelque chose !

— Dame ! on me l’a dit, reprit l’avoué.

— On vous a trompé ! Je connais Albany ; c’est aussi la seconde fois qu’il vient chez nous. C’est un brave garçon, un peu mauvais sujet ; que voulez-vous ! un artiste ! mais incapable de maltraiter une femme.

— Il ne paraîtra donc pas ce soir, cet Albany ? demandai-je au docteur.

— Non, répondit le bonhomme. Il a très-bien chanté dans la première pièce. Il ne chantera plus aujourd’hui.

— Aussi, reprit l’avoué médisant, Julia est bien inquiète, allez ! Je suis sûr qu’elle ne pense pas à un mot de ce qu’elle chante, et que, dans l’entr’acte, elle se démène comme un diable pour savoir où il est, et ce qu’il fait.

— Que savez-vous, dit le docteur en levant les épaules, s’il n’est pas dans la loge des actrices, auprès d’elle ?

— Après ça, je n’en sais rien, reprit l’avoué ; mais