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mencement du siècle. Il avait donc eu le temps d’oublier un peu Elleviou et madame Gavaudan, et il ne se gênait pas pour comparer Julia à ce qu’il avait entendu de plus fort dans sa jeunesse. Il parlait haut pour être entendu de ses voisins, bonnes gens qui ne demandaient qu’à le croire sur parole ; mais, avec moi, il fut gêné, ne me connaissant pas, et craignant d’avoir affaire à un homme plus fort que lui en musique.

— Monsieur est-il satisfait ? se hasarda-t-il à me dire dans l’entr’acte. Monsieur a sans doute fréquenté l’Opéra de Paris ? Monsieur est étranger ? C’est du moins la première fois qu’il vient dans notre ville ? Il ne doit pas la trouver bien belle ? C’est un petit pays où l’on ne cultive guère les beaux-arts !

Je répondis à toutes ces questions de manière à contenter son amour-propre de citadin de la Faille-sur-Gouvre et de connaisseur en musique. Pourtant, comme, sans critiquer Julia, je ne pouvais la louer avec un transport égal au sien, il reprit :

— Elle a beaucoup perdu depuis un an. Elle vint ici l’an dernier, et c’était alors une chanteuse bien étonnante pour son âge, car elle n’avait que dix-huit ans. À présent, elle a moins d’étendue dans la voix, et, quand on la voit au jour, sans rouge et sans blanc, on est désappointé. Elle n’a plus sa fraîcheur, et même je crains pour sa poitrine. C’est moi qu’elle consulte. Je lui ai conseillé