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vance. Je demande encore quelques semaines de repos moral absolu. Je compte me mettre en retraite au couvent pour tout le carême, à Pâques, j’en sortirai ressuscitée, et, si Narcisse veut que nous soyons liés pour toujours l’un à l’autre, comme c’est aussi ma pensée et ma religion, nous nous marierons au printemps.

— Juliette ! Juliette ! m’écriai-je, surpris par je ne sais quelle vague inquiétude, avec vous on marche de surprise en surprise. Il y a quatre jours, tout cela était à jamais impossible ; aujourd’hui, c’est tout naturel, et vous l’annoncez avec une sérénité qui m’épouvante. Tout est arrangé, prévu comme pour un mariage de raison auquel vous songeriez depuis dix ans. Pourtant, il n’en est rien, et c’est peut-être une réaction… Je ne veux rien dire de plus ; mais, ma chère, ignorez-vous que Narcisse éprouve pour vous une passion ardente et profonde ?

— Quoi ? que me dites-vous ? reprit Juliette étonnée. Ne le sais-je pas ? Mais ne me disiez-vous pas l’autre jour que l’on devait se trouver heureux du bonheur que l’on donne ? Et lui en coûtera-t-il, à lui, de m’entourer de soins, de tendresse et de dévouement ? Qu’est-ce que cette passion dont vous parlez, sinon de l’affection contrariée par l’inquiétude ? Quand il aura reçu ma parole, il ne s’inquiétera plus. Il me connaît bien, j’espère ! Allez donc lui dire ce que je viens de résoudre, et vous verrez