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mure et des sons d’instruments, comme si une porte, ouverte par moments, eût donné passage au bruit d’un bal dans quelque maison voisine. Quoi que ce fût, cela se passait envers moi si discrètement, que j’admirai de nouveau l’isolement de ma retraite au cœur de la ville.

Je m’étais assis sur le cordon de pierres plates de la terrasse, le dos appuyé contre le pilastre qui terminait le massif de maçonnerie entre mon parterre et le jardin de la maison de ville. Tout à coup j’entendis parler si près de moi, que je me retournai comme pour répondre à une question qui semblait m’être adressée :

— Eh bien, qu’est-ce que tu fais là ?

Mais je ne vis près de moi que la pierre de taille, et, au-dessus de moi, que l’épais ombrage des tilleuls de la maison de ville, qui semblaient s’étendre vers ceux de Narcisse Pardoux, comme pour les caresser en bons voisins de même âge.

Cependant la voix reprit :

— Oh ! tu as beau ne pas répondre, je vois bien que c’est toi qui es là ! Je ne suis pas encore aveugle, et ton chapeau à plumes blanches… Tiens, je te le jette en bas de la terrasse, si tu ne réponds pas !

C’était une voix de femme, une voix jeune, rendue très-jeune et très-âpre par un accent de colère. Comme je n’avais sur la tête aucune espèce de chapeau, et encore moins de chapeau à plumes blanches ; comme, d’ailleurs