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raine dans vos conseils de conscience. Mais, apparemment, il s’est trouvé telle circonstance dont je ne puis être juge, et qui rend nécessaire et naturelle la manière dont vous avez cru devoir agir. Je suis persuadée que vos intentions sont bonnes, et vous voyez que j’accepte avec plaisir toutes les conditions de votre bonheur.

Albany, de plus en plus gêné, voulut s’excuser. Mademoiselle d’Estorade ne lui permit aucune révélation sur sa future moitié, et coupa court aux explications personnelles en lui faisant des questions bienveillantes sur son avenir, sur les relations et les occupations qu’il avait en vue. Puis elle rendit la conversation tout à fait générale, car le curé était venu, sans façons et très à propos, interrompre notre aparté.

Je remarquai un grand malaise chez Albany ; son amour-propre souffrait de l’école qu’il avait commise et de la très-douce mais très-pénétrante leçon qu’il venait de recevoir. Il fit mine de se retirer ; mais, soit qu’il désirât revenir, soit qu’il fût content de prendre une revanche quelconque, il céda aux sollicitations de ma femme, qui désirait l’entendre chanter. Il se fit bien un peu prier, attendant toujours que Juliette s’en mêlât, ce qu’elle fit de bonne grâce, mais sans avoir trop l’air d’y tenir. Il demanda alors le temps de la digestion et promit de revenir à neuf heures. Il ignorait que Juliette partait toujours à cette heure-là.