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blait qu’elle eût embrassé le célibat, non-seulement pour se consacrer à la charité, mais encore pour se soustraire systématiquement à la vie commune. En cela, je la trouvais dans le chemin de l’exagération, par conséquent de l’erreur.

Elle partait le surlendemain pour passer la journée à Estorade. Je lui demandai de m’y recevoir avec ma femme. J’avais donné le mot à celle-ci, qui sortit avec les enfants, et nous laissa seuls ensemble.

J’avais préparé un préambule plus ou moins ingénieux, qui fut tout à fait inutile. Juliette m’interrompit dès les premiers mots.

— Oui, oui, dit-elle, je vous entends, je vous vois depuis longtemps ; vous voulez que je me marie avec Narcisse !

— Eh bien, c’est donc là une idée absurde et révoltante ?

— Non, certes ; car ç’a été mon idée aussi quand le secret de la naissance de Sylvie lui a été révélé. Quand j’ai vu qu’il aimait réellement cette enfant, et quand j’ai compris… ce dont je m’étais toujours doutée, qu’il m’aimait aussi, qu’il m’avait toujours aimée, j’ai pris la résolution de faire tout mon possible pour m’amener moi-même à l’épouser. Cela vous étonne, je le vois !

— Oui, sans doute. Tout en vous est énigme ou mystère. Eh bien, cette bonne pensée que vous avez eue ?…