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vierge, cette peau satinée comme le tissu d’un lis, étaient, pour ainsi dire, invraisemblables chez une femme de trente ans qui avait vécu de labeurs et de dévouements actifs. C’est qu’en réalité, elle n’avait pas vécu. Elle avait glissé comme un souffle de grâce, comme un parfum subtil, entre le ciel et la terre, bénissant ce qui était sous ses pieds, mais n’aspirant qu’à ce qui l’appelait d’en haut.

Mademoiselle d’Estorade m’avait fait un accueil charmant. Elle ne s’expliqua pas auprès de ses autres amis sur l’origine de notre connaissance ; mais elle sut, à chaque mot, me faire comprendre qu’elle me regardait comme un ami sérieux, et qu’elle n’oubliait rien du petit roman qui avait commencé nos relations. Dans un moment où je me trouvais seul auprès d’elle, elle me demanda très-naturellement et avec beaucoup d’aisance si, par hasard, dans mes récentes tournées en province, j’avais rencontré Albany. Je ne pus rien lui en apprendre. Je n’avais pas été à Nantes, où il était engagé.

— Je suppose, lui dis-je, que vous avez quelquefois de ses nouvelles ?

Elle me répondit, sans trouble et sans détour, qu’elle en recevait souvent.

— Mais, ajouta-t-elle avec un sourire candide, ne dites pas cela à Narcisse ; il s’en tourmenterait.

— Vous le lui cachez donc ?