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plutôt, gardez-moi chez vous, instruisez-moi dans la religion. Je veux quitter le théâtre, je veux me convertir, me faire religieuse, et mourir de chagrin pour qu’Albany me pleure et que vous m’estimiez !

Elle débita mille extravagances de ce genre, se confessant à tort et à travers, comme un enfant, et demandant la réhabilitation et la sainteté au bout d’un quart d’heure d’exaltation, qu’elle prenait pour du repentir. Mademoiselle d’Estorade la traita avec une grande douceur, sans faire montre, avec elle, d’un prosélytisme trop naïf, et, comme Julia était venue à pied, elle pensa à la faire coucher dans le château, mais sans consentir à passer la nuit sous le même toit, car elle donna tout bas des ordres pour son propre départ.

Quand, au bout d’un quart d’heure, on vint lui faire signe que sa voiture était prête, Julia étant tout à fait calmée, Juliette nous fit signe à son tour, et nous dit dans l’escalier :

— Je m’en vais tout de suite, bien que j’eusse l’intention de rester jusqu’à demain. Je ne sais si vous comptez partir ce soir ; mais, dans tous les cas, je vous demande de ne vous mettre en route que dans une heure, afin que l’on ne nous voie pas rentrer en ville ensemble.

— Soyez tranquille, répondit Narcisse ; mais comptez-vous réellement laisser cette Julia ici ?

— Que voulez-vous que j’en fasse ? Craignez-vous