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souvent à moi pour ses malades indigents. Je le connais depuis mon enfance. Cette fois, il me demandait des secours pour un pauvre chanteur que la troupe de passage avait été forcée de laisser à la Faille, où il avait été pris d’une fluxion de poitrine assez grave. Ce jeune homme laborieux, mais imprévoyant, manquait de tout, et, grâce à la méfiance des bourgeois et des artisans de petite ville pour tout ce qui s’intitule artiste, il était littéralement abandonné, presque mourant, sur un grabat.

» Je lui envoyai une garde, des médicaments, du linge, enfin tout ce qui lui était nécessaire, en priant toutefois le docteur de n’en rien dire. Que de lazzis n’eût-on pas faits dans la ville, en apprenant qu’une abbesse (on s’amuse à m’appeler ainsi quelquefois) s’occupait de secourir et de faire soigner un comédien !

» Le docteur fut discret ; mais Albany se préoccupa beaucoup, lorsqu’il fut guéri, d’une petite somme que j’avais fait glisser dans son tiroir, pour le mettre à même de retourner chez ses parents, et il arracha au docteur l’aveu de la part que j’avais prise à sa situation. Il me fit demander alors la permission de venir me remercier et de me signer un billet avant son départ. J’espérais lui être utile en le maintenant dans ses bonnes résolutions, et je le reçus au parloir.

» Il était si changé et si faible encore, qu’il me fit peine. Il se montra plus reconnaissant de mes services