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— Et nous, lui dis-je, vous n’avez songé à nous qu’en dernier ? Si quelqu’un vous eût ouvert ailleurs, vous y seriez resté à causer ?

— Non, j’aurais été avertir tout le monde. Mais tu me fais une mauvaise querelle, Nanon. Je comptais bien venir ici, et je songe à toi plus que tu ne crois. J’y ai beaucoup songé depuis l’autre jour où tu m’as dit des choses dures.

— Ça vous a fâché contre moi ?

— Non, c’est contre moi que j’ai été fâché. Je vois bien que je mérite ce qu’on pense de moi, et j’ai fait promesse à moi-même d’apprendre tout ce que les moines pourront m’enseigner.

— À la bonne heure, et alors vous m’enseignerez aussi ?

— C’est convenu.

Comme le feu flambait et éclairait la chambre, il vit nos bois de lit et nos paillasses en tas, dans le milieu :

— Où donc coucherez-vous ? me dit-il.

— Oh ! moi, répondis-je, j’irai dormir avec Rosette, puisque je ne crains plus rien. Mes cousins se moquent d’une nuit à la _franche étoile ; _il n’y a que mon pauvre vieux oncle qui en sera fatigué. Je voudrais avoir la force de lui dresser son lit, car il dormira de bon cœur quand il saura que les brigands ne viennent point.

— Si tu n’as pas la force, je l’ai, moi !

Et il se mit à la besogne. En un tour de main il releva et remmancha le lit du père Jean et ma petite couchette. Je remis la vaisselle en place sur la table et la soupe aux raves fumait dans les écuelles quand mon oncle rentra avec Jacques. Ils n’avaient pu se faire entendre