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Il me regarda avec son sourire insouciant ; mais il ne sut rien trouver à me répondre, et je le vis qui s’en allait la tête droite, sans regarder tout le long de la haie comme il avait coutume de faire pour chercher des nids ; peut-être bien qu’il pensait à ce que je venais de lui dire.

Deux ou trois jours après, comme j’étais au pâturage avec d’autres enfants de mon âge, la Mariotte et cinq ou six autres femmes vinrent tout _épeurées, _nous dire de rentrer.

— Qu’est-ce qu’il y a donc ?

— Rentrez, rentrez ! ramenez vos bêtes, dépêchez-vous, il n’est que temps.

La peur nous prit. Chacun rassembla son petit troupeau et je ramenai vivement Rosette, qui n’était pas trop contente car ce n’était pas son heure de quitter l’herbage.

Je trouvai mon grand-oncle très inquiet de moi. Il me prit le bras et me poussa avec Rosette dans la maison, puis il dit à mes cousins de bien fermer et barricader toutes les _huisseries. _Ils n’étaient pas bien rassurés, tout en disant que le danger ne pressait point tant.

— Le danger y est, répondit mon oncle quand nous fûmes bien enfermés. À présent que nous voilà tous les quatre, il s’agit de s’entendre sur ce que l’on va faire. Et voilà ce que je conseille. Tant qu’il fera jour, il n’y a rien à essayer ; c’est à la grâce de Dieu ; mais, quand la nuit sera venue, on ira se réfugier dans le moutier, et chacun y portera ce qu’il a, meubles et provisions.

— Et vous croyez, dit Jacques, que les moines vont recevoir comme ça toute la paroisse ?