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— Tu dis des bêtises, répondis-je au petit Pierre. On ne peut pas empêcher les riches d’être riches ; mais qu’est-ce que tu penses de ce jeune apprenti moine qui m’a permis de faire manger Rosette dans le pré du moutier ? Est-ce que tu crois qu’on l’écoutera ?

— On ne l’écoutera pas, dit Pierre ; c’est un poulain qui ne sait pas encore tirer la charrue. Les vieux qui connaissent leur métier te prendront ton ouaille s’ils la voient chez eux, et le novice ira en punition pour avoir désobéi.

— Oh ! alors, je n’y retournerai plus. Je ne veux pas le faire punir, lui qui est si bon et si honnête !

— Tu peux y retourner pendant les offices du matin. Le père Fructueux ne quitte pas l’église à ces heures-là.

— Non, non ! m’écriai-je, je ne veux pas m’apprendre à voler !

Je m’endormis toute préoccupée. Je ne songeais plus tant à Rosette qu’à ce garçon de si bon cœur qui était condamné à être malheureux, méprisé, _sacrifié, _comme disait mon grand-oncle. Il vint, dans la nuit, un gros orage avec des éclairs à tout embraser et des roulements de tonnerre à faire dresser les cheveux. Du moins, voilà ce que le grand-oncle nous dit au matin, car il était le seul de la maison qui eût entendu le bruit : la jeunesse dort si bien, même dans une masure mal close ! mais quand j’ouvris le contrevent qui servait de fenêtre, — nous ne connaissions pas l’usage des vitres, — je vis la terre toute trempée et l’eau qui ruisselait encore autour du rocher par mille petits sillons qu’elle s’était creusés dans le sable. Je courus