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Des gens qui se disent meilleurs patriotes les ont condamnés pour avoir été trop doux. Qu’est-ce que cela va donc être ? On ne peut rien faire de plus que ce qu’ils faisaient, à moins de rétablir la torture, ou de mettre le feu aux quatre coins de la France.

L’ancien maire, qui se trouvait là, se réjouissait. Républicain en 90, il était devenu royaliste depuis qu’on avait fait mourir le roi et la reine ; mais il ne disait sa pensée que devant nous en qui il avait pleine confiance, et il la disait à demi-voix, car, dans ce temps-là, on ne parlait plus tout haut. On n’entendait ni disputes ni discussions dans les campagnes. On avait peur de laisser tomber une parole, comme si c’eût été une monnaie faite pour tenter les malheureux et les porter à la dénonciation.

— Croyez-moi si vous voulez, disait ce brave homme, mais il me semble que nos malheurs vont prendre fin avec le Robespierre : c’était un homme qui travaillait pour l’étranger et qui lui vendait le sang de nos pauvres soldats.

— Vous vous trompez, citoyen Chenot, reprit le prieur. L’homme était honnête, et c’est peut-être pour cela que de plus mauvais que lui l’ont tué.

— Plus mauvais n’est point possible ! on dit qu’il était malin et entendu ; ceux qui le remplaceront seront peut-être plus maladroits, et les personnes raisonnables viendront à bout de nous en débarrasser.

C’était l’opinion de toute la commune et bientôt chacun se la confia à l’oreille. Peu à peu on se mit en groupe de cinq à six personnes pour causer. On ne savait rien encore du nouveau système, et ce que l’on en apprenait tant bien que mal, ne le