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femme quand l’âge de pleine raison vous le permettrait.

— Ah ! mon cher prieur, moi, je n’y comptais pas, je n’y songeais guère ; souvenez-vous bien ! Je n’ai jamais dit un mot d’amour ni de mariage.

— C’est la vérité, il ne t’en parlait pas non plus ; mais il me parlait, à moi, car je n’ai pas été si égoïste et si grossier que de ne pas m’inquiéter un peu pour toi, et je sais que ses intentions sont droites, je sais qu’il n’aura jamais d’autre femme que toi, et j’approuve son dessein.

J’étais heureuse de voir le prieur au courant et de pouvoir lui ouvrir mon cœur pour qu’il en résolût les doutes.

— Écoutez, lui dis-je ; depuis deux jours que je les connais aussi, ses bonnes intentions pour moi, je ne sais que penser. Je suis toute troublée, je ne dors plus. Je souffre moins de son départ, car je mentirais si je vous disais que son amour me fâche ; mais je me demande si je ne lui ferai pas un grand tort en l’acceptant.

— Quel tort pourrais-tu lui faire ? Le voilà orphelin, et, si ce n’est plus son père, c’est la loi qui le déshérite.

— Vous en êtes sûr ? On fait tant de lois, à présent ! Ce que l’une a fait, une autre peut le défaire. Si les émigrés reviennent triomphants ?…

— Eh bien, alors, le droit d’aînesse remet Émilien où la Révolution l’a pris.

— Et si son frère meurt avant lui, sans être marié, sans avoir d’enfants ?… J’ai pensé à tout cela, moi !

— Il faut faire bien des suppositions pour admettre q’Émilien puisse recouvrer les biens de sa famille ; faisons-les, j’y consens ; je ne vois pas qu