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mourir avec vous, et dès lors nous pouvons tout risquer.

— Et ma pauvre sœur, et nos autres amis, et Costejoux, et le prieur ! ils payeront donc pour nous ?

— Non, personne à Valcreux ne trahira votre sœur. Le prieur est assermenté. Mariotte m’a juré de les bien cacher si on les persécute, et bien d’autres amis dévoués l’aideront. Costejoux veut que vous vous échappiez, puisqu’il m’en a fourni les moyens ; il sait bien que vous êtes innocent, il vous aime toujours !

Le vieillard nous laissait causer, il ne disait rien, il avait même l’air de ne pas nous entendre. Je demandai du regard à Émilien s’il avait toute confiance en lui. Il me dit à demi-voix :

— Comme en Dieu ! Ah ! si tu pouvais le sauver aussi !

— N’y songez pas, dit le vieillard, qui entendait fort bien. Je ne veux pas être sauvé.

Et s’adressant à moi :

— Je suis prêtre et j’ai refusé le serment. On m’a interrogé hier, je n’ai pas voulu mentir, bien que l’interrogatoire fût très bienveillant et qu’on désirât m’épargner. Je leur ai répondu que j’étais las de me cacher et de dissimuler. J’en ai assez de la vie, je me serais tué moi-même si ma religion me l’eût permis. La guillotine me rendra ce service ; je n’ai pas trahi mon devoir, je suis prêt à paraître devant Dieu ; mais je vous engage, vous qui êtes jeune et qui aimez quand même la Révolution, ajouta-t-il en parlant à Émilien, à faire une tentative pour vous sauver ; l’é