Page:Sand - Nanon, 1872.djvu/153

Cette page n’a pas encore été corrigée

Je n’avais jamais eu occasion de marcher si loin ; mais, du haut des plateaux, j’avais si souvent regardé le pays, que je connaissais tous les clochers, tous les villages par leurs noms, tous les chemins, leur direction et leurs croisements. Enfin, je savais un peu de géographie et celle de notre province assez bien pour m’orienter et ne pas perdre mon temps à faire des questions ou à m’égarer. Pour plus de sûreté d’ailleurs, j’avais dans la nuit calqué sur une carte tout le pays que j’avais à parcourir.

Il fallait deux grands jours de marche pour gagner Limoges et il ne fallait pas espérer de trouver de patache ou de berline sur les routes. On n’en voyait plus. Les chevaux et les voitures avaient été mis en réquisition pour le service des armées, et les fripons, qui confisquaient pour leur compte sous prétexte de patriotisme, avaient achevé de mettre tout le monde à pied. Il faisait beau. Je couchai dehors dans des meules de paille pour économiser mon argent et ne pas attirer l’attention sur moi. Je mangeai le pain et le fromage que j’avais apportés dans un petit panier. Je mis sur moi ma capeline et je dormis très bien. J’avais fait la journée de marche d’un homme.

Avant le jour, je m’éveillai. Je mangeai encore un peu, après m’être lavé les pieds dans un ruisselet qui avait l’eau bien claire. Je m’assurai que je n’avais aucune blessure bien que je fisse route sans bas ni souliers, et que je pouvais bien, quoique lasse, fournir ma seconde étape ; alors, je priai Dieu de m’assister et me remis en chemin.

J’arrivai le soir sans retard ni accident à Limoges et je demandai la maison de M. Costejoux que je découvris