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de l’appeler, et, dans son intérêt, je vous conseille de ne pas faire penser à lui. Dans trois jours, vous serez absous ou condamné.

— À mort ?

— Ou à la détention jusqu’à la paix, selon que vous serez reconnu plus ou moins coupable.

— Plus ou moins ? c’est vous, mon ancien ami, qui n’admettez pas la possibilité de mon innocence ? ou bien c’est vous, avocat, qui me déclarez d’avance qu’on ne l’admettra pas ?

M. Costejoux s’essuya le front avec un mouvement de colère. Ses yeux lançaient des éclairs ; puis il pâlit et, s’asseyant comme un homme brisé :

— Jeune homme, dit-il, j’ai une mission terrible à remplir. Il n’y a pas ici d’ami, il n’y a plus d’avocat. Je suis devenu un inquisiteur et un juge. Oui, moi, girondin l’an passé, quand je quittai ma province avec des illusions de l’inexpérience, je suis devenu ce que tout vrai patriote est forcé d’être. J’ai vu l’incapacité politique des meilleurs modérés et l’infâme trahison du plus grand nombre. Ceux qu’on a sacrifiés ont payé pour ceux qui ont allumé la guerre civile dans les provinces. Ils étaient un obstacle à_ _l’autorité des hommes qui ont juré de sauver la patrie, il a fallu le briser. Il a fallu mettre sous les pieds toute pitié, toute affection, tout remords. Il a fallu tuer des femmes, des enfants… Je vous dis qu’il l’a fallu !… — Et en parlant ainsi, il mordait son mouchoir. — Je vous dis qu’il le faut encore. Si vous avez seulement hésité un instant entre votre père et la République, vous êtes perdu et je ne puis vous sauver.

— Je n’ai pas hésité un seul instant ; mais, si on refuse