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des troupes et de faire exécuter tous les ordres de la Convention.

— Écoute, me dit Émilien, je ne sais plus que penser de Costejoux. Je le croyais girondin et je pense encore qu’il l’a été ; mais il ne l’est plus, puisqu’il accepte des fonctions où il faut déployer beaucoup de rigueur. Il me dit qu’il n’aura pas le temps de venir au moutier et qu’il a besoin de me parler à la ville. J’irai certainement, mais auparavant, je ne veux pas te tromper, Nanette ; je veux te dire ma résolution. On ne m’a pas pris pour la réquisition, mais je peux m’engager et je le veux ; c’est un devoir bien clair, à présent que la moitié, sinon les deux tiers de la France sont en révolte contre le gouvernement révolutionnaire et que l’ennemi du dehors arrive de tous les côtés pour rétablir la monarchie. J’ai cru longtemps que nous pouvions avoir une république sage et fraternelle. Je ne sais pas ni nous l’aurions pu avec de meilleurs chefs et des adversaires moins acharnés ; mais le temps marche vite et la ruine approche, à moins d’un grand effort de courage et de soumission. Pour cela, il faut violenter son propre cœur, ma pauvre Nanette, car toutes ces cruautés ordonnées par le Comité et sanctionnées par la Convention, cette abominable tyrannie des citoyens les uns sur les autres, ces injustices, ces méprises, ces dénonciations, ces exactions, ces massacres dont on entend parler : tout cela rend fou de colère et de désespoir ; mais, si les conspirations royalistes et leur entente avec l’ennemi rendent ces infamies absolument nécessaires, de quel côté se ranger ? Irai-je trouver ces étrangers qui, sous prétexte de faire cesser l’anarchie, veulent se partager