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jour, et, depuis ce temps-là moi, j’ai toujours pensé à m’instruire de ce qu’une femme doit savoir pour servir une dame et tenir sa maison.

— Ah ! tu crois que je veux que tu serves ma femme ?

— Vous ne le voulez plus ?

— Non certes, je ne veux pas que tu sois au-dessous de qui que ce soit dans mon amitié ; ne comprends-tu pas cela ?

Il me tenait la main et il m’arrêta au bord de la rivière en me regardant avec des yeux tout attendris. Je fus bien étonnée, et, craignant de l’affliger, je ne savais comment lui répondre.

— Pourtant, lui dis-je au bout d’un moment de réflexion, votre femme sera plus que moi.

— Qu’est-ce que tu en sais ?

— Vous épouseriez une paysanne, comme le frère Pascal, qui a fait publier ses bans avec la meunière du pont de Beaulieu ?

— Pourquoi non ?

— Eh bien, qu’elle soit paysanne ou dame, vous l’aimerez plus que tout, et vous voudrez qu’elle soit maîtresse au logis : moi je suis toute décidée à lui bien obéir et à lui complaire en tout. Pourquoi dire que vous ne voulez pas que je sois pour l’aimer et la servir comme vous-même ?

— Ah ! Nanon, reprit-il en se remettant à marcher, comme tu as le cœur simple et bon ! Ne parlons plus de cela, tu es trop jeune pour que je te dise tout ce que je pense, tu ne comprendrais pas encore. Ne t’en tourmente pas. Je ne te ferai jamais de chagrin, et, si je dois me marier comme tu te l’imagines, ce ne sera