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avait là, selon Thierray, une parcimonie qui sentait l’abnégation héroïque ; car on tient à ses mains quand on les a charmantes, quand on a vingt-cinq ans et quand on demeure dans une maison où il y a quatre paires de beaux yeux pour les apprécier.

— Voilà une complication ! pensa Thierray. L’homme vertueux l’emporte sur l’homme charmant comme sur l’homme utile. Les femmes aiment-elles les hommes vertueux ? Oui, si la passion l’emporte sur ces trois faces de l’individu. L’homme passionné est le roi naturel de la création. — Vous cultivez le lépidoptère ? dit-il en riant et en jetant un coup d’œil sur une pile de cartons bien rangés, aux flancs desquels on lisait :

Argynnis, — Polyomates, — Vanesses, etc.

— J’aime les papillons, répondit Amédée en souriant comme un enfant pris en faute.

— Mais vous avez bien raison ! C’est une passion que j’aurais si j’avais le bonheur d’habiter la campagne. Et puis c’est un moyen de faire la cour aux femmes.

— Vous croyez ? dit Amédée avec un sourire très-froid.

— Oui, à la campagne, les femmes, qui sont partout essentiellement artistes, aiment les richesses, les beautés, les caprices charmants de la nature : je parie qu’ici toutes les dames aiment les papillons et vous en demandent.

— Non, pas toutes, répondit nonchalamment Amédée.

— Nous nous renfermons dans l’impénétrabilité, pensa Thierray, nous avons un secret de cœur. Dans une heure je saurai laquelle des dames Dutertre aime les papillons.

— Amédée ! Amédée ! ton filet, vite ! cria de la pelouse une voix de femme aussi forte que celle d’un petit garçon. Un flambé, superbe, là, sur le jasmin de ta fenêtre !