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Soigneuse et proprette comme une vieille fille, sédentaire et inactive comme une infirme, soignée par des valets d’ancienne roche, de ceux qui respectent jusqu’aux petits chiens des douairières, elle s’était amoindrie, séchée, éteinte insensiblement dans un âge très-avancé, sans que sa tenture de perse jaunie eût reçu une tache, sans qu’une parcelle de la marqueterie de ses étagères eût été enlevée. Sa vie s’était usée sans user aucun objet autour d’elle. Le salon était resté à peu près tel que le jour où elle avait lu la Quotidienne pour la première fois, et que celui où, pour la dernière fois, elle avait essayé de la lire. Sa bergère en bois sculpté et peint en gris était encore devant la cheminée ; le coussin de tapisserie, ouvrage de sa main débile, semblait attendre ses pieds amaigris ; les chenets, surmontés de vases cannelés en cuivre doré, brillaient de tout leur éclat dans l’âtre vide et sombre ; les glaces, ternies et piquées par l’humidité, avaient presque perdu leur reflet, et ne renvoyaient que des images confuses comme des spectres. Le seul objet animé de ce sanctuaire était un vieux perroquet, presque blanc à force d’avoir grisonné, lequel, réveillé sur son perchoir, au moment où le soleil pénétra jusqu’à lui, fit entendre un cri rauque, comme pour se plaindre à Manette d’être dérangé avant son heure.




VI


— Serait-ce par hasard de cet affreux perroquet que les dames de Puy-Verdon ont pris envie ? dit Flavien.

— Ce perroquet ! s’écria Manette effrayée : le perroquet de Madame ! un vieux ami qui l’a vue naître, qui l’a vue mourir et qui verra peut-être mourir les jeunes gens