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si elle montait à cheval. « Fort peu, a-t-elle répondu, je n’ai pas le temps. » Là-dessus, il s’est écrié qu’elle avait bien raison de n’en pas perdre à de pareils amusements ; que, pour lui, il en était dégoûté, et qu’il ne comprenait plus le plaisir qu’on pouvait trouver à cheval auprès d’une femme, car c’était la plus incommode manière de causer, et que, quand on avait le bonheur d’entendre une voix comme la sienne, on devait regretter tout ce que le mouvement et le bruit des chevaux en fait perdre.

— Mais tout cela n’était pas flatteur pour moi… pour mon père, qui m’avait reproché de passer ma vie à cheval.

— Ton père n’entendait pas. Est-ce que tu n’as pas remarqué qu’on parle toujours bas aux jeunes femmes, et qu’on ne parle tout haut qu’aux maris et aux demoiselles ?

— Tu es méchante, Nathalie ! Tu voudrais me rendre jalouse de ma belle-mère. Je t’avertis que c’est inutile, je ne le serai pas au point de vue de la rivalité et de la coquetterie. Je ne le serais que si elle nous enlevait le cœur de mon père.

— Et tu trouves que ce n’est pas un fait accompli ?

— Non, non, cent fois non ! Tais-toi !

— Tu trouves tendre, de la part de notre père, de nous quitter et de nous envoyer coucher à onze heures, le jour de son arrivée ?

— Il était fatigué du voyage. Il avait sommeil.

— À preuve qu’il n’est pas encore couché et que les croisées de leur appartement rayonnent dans la nuit comme la flamme de l’amour dans l’âme aveuglée de notre pauvre jeune homme de papa !

Ici, Nathalie partit d’un rire nerveux, haineux, horrible à entendre. Ce n’était pas la jalousie injuste, mais excusable, d’une fille qui dispute l’amour de son père, c’était