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pour s’arrêter enfin sur le jeune homme pâle, rêveur et muet, qui s’était accoudé à l’écart sur le poêle.

Amédée sortit de sa rêverie et sourit machinalement au son de voix et au regard de la jeune fille. Mais, soit qu’il n’eût pas entendu ses paroles, soit qu’il lui fût impossible de manifester de l’enjouement, il ne répondit rien.

— Donc, mon procès est gagné, et la séance est levée, dit Nathalie pendant que son père éloignait sa chaise de la table et se plaçait de côté, comme pour donner un dernier coup d’œil à son troupeau avant de se retirer.

— Votre plaidoyer roule sur un détail puéril, mon enfant, répondit Dutertre. Cependant il ne faut pas blesser, même par une puérilité, les convenances de l’affection. Êtes-vous bien sûre que votre belle-mère, ma femme, votre meilleure amie, ne souffre pas un peu quand vous… ?

— Non, mon ami, je n’en souffre pas, répondit vivement madame Dutertre ; puisque Nathalie n’y voit pas une marque de froideur, je n’ai pas voulu même supposer qu’elle songeât à m’affliger. Pourtant, si elle me permet une objection, je lui dirai qu’elle rejette sur moi, à coup sûr, le petit ridicule qu’à tort elle craint pour elle-même. En me traitant comme une jeune personne, elle me force à accepter la prétention d’une parité d’âge qui n’existe pas…

— Ce n’est pas là ce qui blessera mon père, dit Éveline avec plus d’étourderie que de méchanceté.

— C’est à mon père de se prononcer là-dessus, dit Nathalie : s’il veut qu’Olympe ait l’air d’être notre mère, qu’il lui fasse porter des robes de mérinos et des bonnets à ruche, au lieu de lui envoyer de Paris des robes de taffetas rose…