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— Dites donc, mon père, reprit Nathalie, parlez-nous un peu de ce penseur que vous nous avez présenté aujourd’hui.

— Pourquoi l’appelles-tu penseur ? dit Dutertre. C’est tout simplement un homme de lettres ; car c’est de M. Thierray que tu me parles, je présume ?

— Oui, le nommé Thierray, reprit Nathalie avec un dédain superbe. On nous en avait si peu parlé, ajouta-t-elle en regardant Olympe, que nous ne lui supposions pas tant d’importance. Il faut qu’il en ait beaucoup ; car il est grand homme dans sa manière de prononcer, de s’asseoir, de regarder et de marcher. C’est un penseur de profession, cela se voit à ses habits et jusque dans ses boutons de guêtre.

— Tu es donc toujours méchante, Nathalie ? dit M. Dutertre d’un ton où il entrait plus de complaisance que de sévérité.

— Nathalie aime à railler, dit madame Dutertre avec plus de douceur encore ; mais je parie qu’elle n’a pas seulement regardé l’homme dont elle parle avec tant d’esprit.

— Il paraît que vous l’avez regardé assez pour pouvoir prendre sa défense, répondit Nathalie d’un ton qui se tenait musicalement à l’unisson de douceur de ses parents, et qui lui permettait d’être amère en ayant l’air d’être enjouée.

M. Dutertre eut un mouvement d’étonnement ; il se retourna pour regarder Nathalie ; il rencontra ses yeux calmes et fiers, et lui dit en y plongeant son regard paternel :

— Je regardais à qui tu viens de parler, ma fille. Je croyais que c’était une de tes lutineries habituelles contre tes sœurs.

— Les lutineries de Nathalie ! dit Éveline légèrement, le mot est doux !