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piation, mais qu’encore elle ait réussi à vaincre le démon qui était en elle. Je ne peux pas te dire d’elle comme d’Éveline : « Elle est bonne ; » mais je peux te dire : « Elle a de la grandeur ! » Va, on n’est pas impunément la fille d’un homme comme Dutertre. Quand on ne peut pas résumer toutes ses vertus comme Caroline, on a encore, comme les deux autres, une face séduisante ou solide de son caractère… Mais comme tu m’écoutes, Flavien !… que vas-tu donc me dire ? Allons, ne me fais pas languir plus longtemps.

— Thierray, dit Flavien, Nathalie ne vous a donc jamais dit que je l’avais rencontrée en Italie l’année dernière ?

— Jamais !

— Eh bien, je me suis trouvé à Rome, à Naples, à Florence, à Venise en même temps qu’elle, et nous nous sommes beaucoup vus pendant quatre mois.

— Tu la suivais donc ? dit Thierray frappé de surprise.

— Oui ; d’abord pour la tourmenter, la châtier et me venger d’elle, car elle m’avait fait bien du mal, à moi aussi ! — Ensuite… mais n’anticipons point. Quand tu m’écrivis la maladie de madame Dutertre les circonstances de sa mort, le désespoir de son mari, la désolation de la famille, je compris fort bien, malgré tous tes soins pour écarter cette pensée, que j’étais la cause première de cet épouvantable malheur. Oui, c’est mon absurde enthousiasme pour cette femme, c’est la confidence insensée que je t’en fis dans ma lettre, c’est la fatuité que j’eus de croire à ses avances mystérieuses et de prendre son air malade, son accablement physique, pour des symptômes de faiblesse morale, qui rendirent Dutertre jaloux au point de calomnier un instant dans sa pensée la visite de sa femme ici, et de vouloir se battre avec moi le soir