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luttes de la vie ; qu’il avertisse la famille avec ménagement. Il n’y a plus rien à tenter.

Dutertre, qui ne s’était jamais endormi sur le danger, lut son arrêt dans les yeux humides de larmes du vieux Martel, qui, encore plus, s’il est possible, que Blondeau, vénérait madame Dutertre et chérissait la famille. Dutertre fit des efforts sublimes pour ne pas troubler les joies d’un premier jour d’hyménée par le spectacle de son désespoir.

Éveline, facile à tromper, était toute à la joie enfantine de marcher, comme elle disait, sur la terre du bon Dieu, appuyée sur le bras de son mari. Elle était heureuse de ses toilettes splendides, de l’affection qui l’entourait, de la beauté nouvelle qu’elle avait acquise durant les semaines de son inaction. Sa première fraîcheur, longtemps dévorée par le hâle, avait refleuri. Ses nerfs, longtemps excités par des fatigues désordonnées, s’étaient détendus dans le repos. Le caractère s’en ressentait ; il s’était détendu aussi dans les douces assiduités, dans les soins tendres dont elle avait été l’objet. Rendue aux bons mouvements de sa nature, elle aimait tout le monde, elle adorait son mari, et se sentait même subjuguée par lui avec une sorte de plaisir tout nouveau pour elle.

Mais le soir, Dutertre écrivait à son neveu :

« Reviens, mon fils. J’ai besoin de toi pour ne pas mourir avant elle. La maladie est incurable, je ne le vois que trop. Ce matin, elle a demandé pourquoi tu n’étais pas là pour le mariage de ta sœur Éveline. Je lui ai promis qu’elle te verrait dans trois jours ; elle s’en réjouit. Viens donc, je n’ai pas le droit de te priver de la dernière bénédiction d’une sainte. »