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milieu hostile où elle s’était trouvée transplantée par son mari. Les deux dernières années surtout, où Nathalie s’était transformée en une flèche empoisonnée, frappant sans relâche et pénétrant par tous les pores ; où Éveline s’était émancipée jusqu’à faire craindre des écarts de jeunesse dont Olympe portait devant le monde et devant son mari la responsabilité délicate, sans avoir l’autorité nécessaire pour les réprimer ; où le constant souci de cette femme infortunée avait été de cacher les torts dont elle était la victime, enfin toute cette lutte prolongée contre les élans parfois impétueux de sa fierté souffrante avait détruit en elle, à son insu, le principe de la vie. Le jour où son sort fut marqué fut précisément celui où le violent orage domestique dont nous avons raconté les détails amena trop tard des résultats heureux. Olympe se crut sauvée. Elle sentit le besoin de vivre, de se manifester, de se dilater au soleil du bonheur, comme une plante brisée relève la tête pour regarder le ciel et boire la rosée l’espace d’un dernier matin.

Elle avait caché ses talents supérieurs dès le jour où elle avait senti qu’elle excitait l’envie. À la prière de Nathalie et de son mari, elle les manifesta de nouveau dans toute leur puissance. Un jour, bien qu’elle eût dit depuis longtemps que sa voix s’était perdue dans l’inaction, et qu’elle l’eût cru elle-même, elle chanta. Cette voix puissante et merveilleuse, guidée par une science parfaite, cette inspiration sublime, remplirent l’atmosphère de Puy-Verdon de je ne sais quelle magie délicieuse et terrible dont tous les cœurs furent à la fois ravis et oppressés. Des larmes coulèrent involontairement de tous les yeux, même de ceux de Nathalie, qui crut entendre le chant du cygne égorgé par elle. Éveline, qui était toujours couchée sur un lit de repos, et qu’on transportait au salon