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— Mon Dieu ! que craignez-vous donc ? s’écria Dutertre. Quels symptômes vous ont donc effrayé tout à l’heure ?

— Je vous dirai cela dans quelques jours, si, contre mon espérance, ces symptômes ne disparaissent pas.

On remarqua à Puy-Verdon, dès les jours suivants, que la manière d’être de madame Dutertre subissait un changement extraordinaire. Jusque-là, bienveillante avec une sorte de timidité, et habituellement taciturne, elle devint tout d’un coup expansive, sensible à l’excès, presque enthousiaste dans les témoignages de son affection.

Olympe avait travaillé quatre ans sous le regard haineux de Nathalie, et devant la fréquente méfiance d’Éveline, à renfermer ses émotions, à effacer sa personnalité, à se réduire autant que possible à l’état d’abstraction, pour n’exciter ni raillerie ni jalousie. La vive reconnaissance qu’Éveline lui témoignait, la conversion subite et miraculeuse de Nathalie, avaient si vivement touché Olympe, qu’elle s’abandonnait désormais sans réserve à son naturel. Ce naturel était tout l’opposé de l’attitude forcée qu’elle s’était faite depuis son mariage. Italienne, c’est-à-dire expansive et résolue ; artiste, c’est-à-dire enthousiaste et impressionnable, elle redevenait avec tous ce qu’elle avait été dans le secret de l’intimité avec son mari, avec Caroline et Amédée ; et encore n’avait-elle jamais été brillante avec ces deux derniers qu’en de rares et courts instants de calme et d’oubli. Car cette aversion qu’elle avait sentie s’étendre sur elle, d’autre part, l’avait accablée, à l’habitude, d’une insurmontable mélancolie. Cette femme choyée et adorée dans son enfance, portée en triomphe dans sa première jeunesse, née pour aimer et pour être aimée, n’avait pu supporter, sans un effort immense, sans une résignation surnaturelle, le