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Dutertre pressa la main de Thierray et essaya un triste sourire.

— Laissez-moi vous interroger, reprit Thierray ; vous n’avez plus le droit de me taxer d’inconvenance si je m’intéresse aux secrètes agitations d’une famille que je regarde, dès ce moment, comme la mienne. Je sais fort bien que vous ne pouvez jamais soupçonner ni accuser madame Dutertre, mais vous croyez avoir le droit de condamner mon ami sans appel. Dites-moi ce que vous lui reprochez aujourd’hui en dehors de ses premières extravagances.

— Je lui reproche très-sévèrement, Thierray, d’être revenu ici, d’abord ; ensuite, d’avoir guetté et surpris ma femme dans l’exercice des plus saintes fonctions de la charité ; d’avoir exploité cette charité, cette pitié de son âme crédule et naïve pour la conduire à Mont-Revêche, sous prétexte, je crois, d’y secourir des malades, et dans le but, certain à mes yeux, de ternir sa réputation par cette démarche. Oui, vos hommes du monde, vos roués de bon ton, ils sont ainsi faits ! J’ai eu tort de croire à une exception, ils savent que la première forteresse d’une femme, c’est sa bonne renommée, et ils la battent en brèche, espérant que, perdue aux yeux du monde, elle n’aura plus de motifs sérieux pour se défendre. Ces hommes aimables, ces bons plaisants !… Oh ! je donnerai à celui-ci une leçon qui servira d’exemple aux autres ! Je veux le tuer, Thierray, et je le tuerai, je vous en réponds ! J’aurais honte de moi-même si je reparaissais devant ma femme sans l’avoir vengée !

— Je conçois qu’avec la pensée que vous avez de lui, la vengeance vous soit agréable ; mais il faut y renoncer pour deux motifs : le premier, c’est qu’à partir de la réponse de madame Dutertre que vous avez entre les