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je avoir affaire à vous deux, qu’un duel ait lieu entre vous avant que l’honneur de madame Dutertre soit sorti pur de cette affaire.

— Taisez-vous, monsieur, taisez-vous ! s’écria Dutertre avec impétuosité ; je ne souffrirai pas, moi, que le nom de ma femme soit prononcé ici une troisième fois.

— Libre à vous, monsieur, d’interdire cet honneur à votre adversaire ; mais ce nom n’est point souillé en passant par mes lèvres. Flavien, éloignez-vous ; je l’exige. Dans dix minutes, vous serez aux ordres de Monsieur, et moi aux vôtres à tous deux. Avant tout, donnez-moi la lettre que vous avez sur vous ; si M. Dutertre ne veut pas la lire, il faut au moins qu’elle soit trouvée sur sa poitrine en cas de mort, car c’est la justification éclatante que personne au monde, pas même un mari aveuglé par la jalousie, n’a le droit de refuser à une femme respectable.

— Vous avez raison, dit Flavien oppressé et luttant de toute sa loyauté contre son propre emportement. Dussé-je subir l’outrage de cet homme, je dois réparer le mal que j’ai causé ! — Allons, insultez-moi ! dit-il à Dutertre d’une voix étouffée par la violence qu’il se faisait à lui-même ; dites-moi que j’hésite et recule : ce sera un châtiment beaucoup plus affreux que la mort ! — Thierray, ajouta-t-il en s’éloignant par un effort désespéré, si tu n’es pas content de moi aujourd’hui, je ne sais pas de quoi tu le seras jamais !

Il y avait trop de rage et de douleur vraies dans l’accent de Flavien pour que Dutertre, qui se connaissait en bravoure, pût attribuer sa conduite à de lâches motifs.

Il prit en silence la lettre que lui présentait Thierray.

— Vous devez, je crois, la lire, monsieur, dit Thierray d’un ton ferme et respectueux à la fois. Elle ne jus-