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deux autres. Crésus, à sa place, eût fait de son mieux pour écouter ; Forget s’arrangea de manière à ne pas entendre.

Dutertre attendit avec un calme apparent que Flavien repoussât le premier la pensée d’une explication ; mais, voyant qu’il gardait le silence, il prit la parole.

— Voici la seconde fois, monsieur Thierray, dit-il, que, fort mal à propos selon moi, vous cherchez à vous immiscer dans une affaire où votre rôle devrait être purement passif. Faites-moi grâce d’explications qui ne peuvent être qu’irritantes pour moi ; je n’ai nul besoin, nulle intention d’exposer ici mes griefs, et je n’admets pas qu’on les discute. Je vois que M. de Saulges tient à avoir des témoins, j’accepte les siens, je refuse d’en prendre pour moi, et je suis résolu, s’il veut retarder l’affaire et m’exposer pour la règle à de honteuses confidences devant des arbitres, à le forcer à se battre séance tenante.

— Ma foi ! monsieur, vous n’aurez pas cette peine, dit Flavien en frappant du poing sur le bloc de rocher qui soutenait la croix ; Dieu m’est témoin qu’en venant ici j’avais presque la résolution d’éviter l’affaire ; mais, à présent, grâce à vous, je meurs d’envie qu’elle ait lieu au plus vite. C’est assez, Thierray, Monsieur est pressé. Nous causerons après, si nous pouvons !

— Quand l’un de vous sera mort ou mourant, il sera trop tard, reprit Thierray avec fermeté. Je sais très-bien que, si c’est M. de Saulges, M. Dutertre sera vengé, et que son adversaire payera de bonne grâce la dette du sang pour une simple mauvaise pensée. Mais, si c’est M. Dutertre qui succombe, il mourra avec un blasphème sur la conscience et une calomnie sur les lèvres, dont madame Dutertre portera la peine et subira l’outrage tout le reste de sa vie. Je ne souffrirai donc pas, dussé-