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du moins, il arrêterait pendant quelques jours l’effet des paroles empoisonnées qui portaient le désordre physique et moral dans la famille.

C’était raisonner logiquement. Nathalie, qui eût lutté contre une critique plus ménagée et plus douce de formes, fut écrasée par cette brutalité paternelle. Il est des caractères que la douceur rend ingrats, que la patience irrite, et qui céderaient à la rigueur. Il faut le dire et le croire à l’honneur de la vertu humaine : la méchanceté ne donne pas de force véritable.

Si Dutertre eût procédé comme Blondeau, Nathalie, sans être plus tendre, eût été plus inoffensive. Elle se sentit brisée par cette parole rude, par ce mépris, dans la bouche d’un homme vieux, laid, et de manières assez communes, qu’elle avait toujours regardé comme un subalterne et qui la mettait sans façon sous ses pieds. Elle se trouva complètement humiliée pour la première fois de sa vie, et tout aussitôt, non par une anomalie, mais par une conséquence de son caractère arrogant et de son esprit faible, elle s’humilia.

— Blondeau, mon cher Blondeau, s’écria-t-elle en fondant en larmes, c’est vous qui tuez ici, et c’est moi qui suis immolée ! je l’ai mérité peut-être, mais ayez pitié de moi ! Dites-moi ce qu’il faut faire pour ramener mon pauvre père, pour l’empêcher de se battre ou de se suicider, car vous m’avez mis des terreurs atroces dans le cerveau, et je crois que je deviens folle.

— Si je savais ce qu’il faut faire, dit Blondeau avec plus de douceur, quelque malade que soit sa femme, je ne serais pas ici. Mais, quelle que soit l’intention de votre père, vous le connaissez aussi bien que moi, vous savez qu’aucune force humaine ne peut combattre, en de certains moments, l’énergie de sa volonté. S’il veut se tuer, il s’y