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ne suis pas avec toi, je suis mieux avec ton souvenir qu’en toute autre compagnie. » Et Dutertre ne lui avait jamais dit ni écrit : « Je ne veux pas, je n’aime pas que tu sortes seule. »

Ce matin-là, Dutertre ayant été forcément absent, elle n’avait pas fait entrer dans son plan la précision des explications qu’elle aurait à lui donner. Elle s’était flattée qu’un concours de circonstances fatales ne viendrait pas tout à point constater son entrée dans Mont-Revêche, que huit jours se passeraient avant que la nécessité de tout dire se présentât, et qu’avant ces huit jours Éveline et Thierray se seraient confessés, car elle ne voyait pas la nécessité de ce silence prolongé avec Dutertre, et elle ne s’était engagée envers Éveline à le garder que dans la crainte de provoquer en elle, par sa résistance, un de ces accès de fièvre mortelle qui suivent parfois les chutes violentes.

Si Dutertre n’eut été en proie à une jalousie terrible, dont Olympe n’admettait pas la pensée, il ne lui eut pas semblé si irrité contre Éveline, et contre elle par contrecoup. Comment pouvait-il l’être contre elle ? Voilà ce qu’elle ne comprenait pas. Aussi resta-t-elle muette devant sa dernière interrogation, faite d’un ton de juge et de maître, ne pensant pas qu’elle dût attirer un orage sur la tête de sa belle-fille, et trahir sa confiance pour s’épargner le blâme d’avoir voulu la sauver.

Elle resta donc pâle, interdite, terrifiée. Il lui semblait que, pour la traiter ainsi à propos de ce qu’elle avait fait, il fallait, ou que Nathalie eût imaginé quelque épouvantable calomnie impossible à prévoir ou à combattre, ou que Dutertre fût devenu fou.

Cette dernière idée s’empara d’elle presque complétement lorsqu’elle vit Dutertre, qui avait la main cachée