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que je le leur dénie absolument. Si mon père découvre la vérité, il sera temps de presser notre mariage. S’il ne la sait jamais, comme vous me l’avez promis, M. Thierray m’épousera librement et pourra m’aimer, tandis qu’il me haïra, n’en doutez pas, s’il m’épouse par cas de force majeure.

— Hélas ! êtes-vous si peu sûre de ses sentiments ? dit Olympe navrée de ce qu’elle entendait.

— Oui, oui, je vous entends, chère amie, reprit Éveline. Vous ne concevez pas que j’aie ainsi couru après un homme qui me fuyait ? La sottise est accomplie ; je la paye cher et je m’en repens de reste. Il n’est donc pas besoin de me la faire sentir.

— Non, non ! calmez-vous, ma fille chérie, dit Olympe ; je ne songe point à cela. Je ferai votre volonté, et j’espère que tout s’arrangera pour votre bonheur.

— Jurez-moi que vous ne direz rien à mon père, reprit Éveline ; jurez-le-moi bien, et je serai tranquille.

— Je vous le jure, ma chère enfant. J’ai presque surpris votre secret : je n’ai pas le droit d’en disposer.

— À la bonne heure ! Oh ! je vous aimerai. Olympe, et je réparerai tous mes torts envers vous. À présent, donnez-moi de quoi écrire. Je veux moi-même avertir mon père, afin qu’il ne s’inquiète pas. Nous lui enverrons Crésus, qui ne se laissera pas tirer les vers du nez sur le passé, il y est trop intéressé, et renvoyez vite Thierray et son ami à Mont-Revêche. Il est inutile que mon père les voie aujourd’hui.

Il fallut obéir à Éveline, dont la souffrance et le chagrin n’avaient point abattu la volonté. Elle écrivit à Dutertre :

« Cher père bien-aimé,

» Je viens de me donner un entorse. Si on vous dit