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une obstination dont ses parents et ses amis ne pouvaient pénétrer la cause, tant elle avait gardé avec patience et modestie le secret de son amour pour Dutertre.

Dutertre attribua comme eux cette résolution soudaine au premier effet de la douleur filiale. Olympe avait adoré son père ; il avait désiré qu’elle fût cantatrice ; elle avait travaillé à le devenir pour le satisfaire. Il n’était plus, elle abandonnait un projet qui, disait-elle, n’était pas le sien, mais dont elle ne devait plus compte à personne.

Il fallut que Dutertre devinât la vérité lui-même. Olympe, fière et timide, ne lui eût jamais révélé sa passion. Elle avait compris ses scrupules, elle avait voulu lui épargner le remords de lui faire manquer sa vocation. Elle avait compris également qu’un père de famille ne pouvait épouser une cantatrice. Elle fit ce sacrifice, sans même songer que c’en fût un.

Quand elle épousa Dutertre, elle avait vingt ans. Elle croyait qu’entre ses filles et elle il y aurait toujours la distance d’âge relative qui existait alors entre sa jeune expérience du monde et leur complète ignorance de la vie. Elle les regardait comme des enfants et se flattait naïvement de leur être une mère. Elle les avait aimées comme elle savait aimer, la pauvre femme, de toute son âme et même avec aveuglement, jusqu’à l’heure fatale où, forcée de découvrir chez Éveline une résistance invincible, chez Nathalie une haine profonde, elle avait pressé en silence la Benjamine sur son cœur, seul refuge qui lui restât en l’absence de son mari.

Amédée avait été littéralement un frère à ses yeux. Ils étaient du même âge, et ce jeune homme sérieux et triste, atteint du mal profond qui le rongeait à son insu, tout en l’appelant parfois sa mère, se trouvait réellement d’âge à la soutenir et à la consoler. Il s’était acquitté de