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Olympe, enfant, n’avait pu comprendre cet homme dès le premier jour. Elle l’avait aimé d’instinct, non pas comme Éveline aimait Thierray, avec la volonté de le vaincre, mais comme les âmes dévouées aiment ce qui leur ressemble, avec le besoin de faire son bonheur.

Dutertre avait aimé Olympe enfant avec autant d’entraînement spontané et plus de certitude encore. Lui qui avait des enfants, des filles en qui il voyait poindre des qualités et des défauts, il avait discerné, dès l’abord, chez cette jeune créature, une supériorité sans alliage. Il avait compris, tout aussi bien que senti, que cet être était fait pour lui seul et qu’ils se chercheraient en vain ailleurs tout le reste de leur vie.

Il est fort inutile de raconter ici par quelles alternatives de résolution et de crainte, d’espoir et d’effroi, il avait passé durant quatre années, en songeant d’une part au sort de ses filles, de l’autre à celui d’Olympe elle-même. On peut bien croire qu’un tel homme n’avait rien sacrifié à la passion aveugle, comme le prétendait l’envieuse Nathalie. Il s’était effrayé d’arracher Olympe à un avenir de gloire que toute sa richesse à lui ne pourrait peut-être pas remplacer. Il était revenu en France plusieurs fois pour sonder l’âme et l’esprit de ses filles. Il les avait trouvées empressées de revenir au foyer paternel, bonheur impossible pour elles tant qu’il ne leur aurait pas donné une seconde mère, et elles l’avaient supplié de se remarier, Nathalie plus ardemment que les deux autres, parce qu’elle était l’aînée et sentait plus vivement l’ennui du cloître.

À son troisième voyage en Italie, Dutertre avait trouvé Olympe orpheline et retirée aussi dans un couvent, avec la résolution de n’en sortir que pour le mariage, jamais pour le théâtre. Elle abjurait la vie libre de l’artiste avec