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les artistes éminents qui avaient vu fleurir son adolescence ; son intelligence sereine, facile, féconde, répondait si bien à sa beauté, que, dans le groupe de talents choisis où elle avait été élevée en Italie, on s’était écrié cent fois que ce serait un sacrilège envers Dieu et les hommes que de ne pas la consacrer à l’art dont elle semblait née prêtresse. Elle avait une des plus belles voix, elle annonçait un des plus beaux génies musicaux de l’Europe. Elle avait atteint sa seizième année dans cette atmosphère de tendres sympathies et de paternelles admirations, sans être ni enivrée ni effrayée de ce grand avenir qui s’ouvrait devant elle. Elle marchait dans sa brillante destinée avec le calme des êtres privilégiés qui héritent du feu sacré sans orgueil, et qui savent qu’ils ont à s’aider eux-mêmes, tout en se sentant portés par l’amour et l’engouement de leur entourage.

Mais, à seize ans, Olympe Marsiniani avait vu Arsène Dutertre, et sa destinée avait été changée.

Dutertre avait alors trente-quatre ans. C’était plus du double de l’âge d’Olympe. Mais ce n’en était pas moins un être aussi accompli qu’elle dans son genre, on pourrait dire dans le même genre ; car il existait dans leurs goûts, dans leurs idées, dans leurs caractères, dans leur organisation tout entière, des rapports dont la puissance les entraîna irrésistiblement l’un vers l’autre, et se révéla à eux chaque jour davantage. Tous deux étaient calmes à l’extérieur avec une âme ardente ; tous deux étaient à la fois tendres et passionnés, combinaison bien rare et qui ne se rencontre que chez les natures d’élite : c’est dire que tous deux étaient énergiques et doux, enthousiastes et tolérants, sérieux d’esprit et enjoués de caractère.

Dutertre, élevé avec soin par des parents riches qui appartenaient à la haute industrie, richement doué, lui,