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probablement, car tout ce qui m’est arrivé me dégoûte de l’hyménée singulièrement, et, si madame Hélyette ne vient en personne me consoler, je crois que je mourrai sage, à l’abri de toute perfidie, mais triste et sot comme un vieux garçon. »

Thierray avait raconté à Flavien tout le petit drame de ses amours avec Éveline. La seule chose dont il ne se fût pas avisé, c’était de vouloir relire cette première lettre de son ami qui avait, à son insu, causé tout le mal. Il eût trouvé sous sa main une preuve matérielle de sa distraction qui lui eût expliqué l’étrange conduite de Dutertre à son égard.

Éveline, mortifiée et presque désespérée, avait écrit deux billets à Thierray, et, pour plus de sûreté, les avait confiés à Crésus sous le couvert de Forget. La première fois, Forget avait refusé net de rien recevoir, et la seconde, sur les instances du groom, qu’il ne pouvait blâmer d’obéir aux ordres de sa maîtresse, il les avait brûlés devant lui, en le prenant à témoin de sa vertueuse horreur pour l’entremettage même le plus innocent.

Éveline ne savait plus à quel saint se vouer. Elle avait une fierté excessive à certains égards ; à certains autres, elle en était totalement dépourvue. Elle avait le cœur sincère et l’esprit faux. Elle n’eût pas souffert d’un homme du monde la moindre infraction au respect qui lui était dû ; elle s’exposait sans honte à des leçons de la part d’un domestique. Pour elle, qui se croyait née sinon reine, comme Nathalie, du moins héroïne et princesse, la hardiesse d’un homme de cette classe l’amusait sans l’offenser. C’était Condé ou Turenne accueillant d’un sourire la familiarité du soldat, disant : Le drôle a raison, et ne changeant rien pour cela à sa raison d’État ou à sa tactique de guerre.