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travail. Écoute ! cette famille si belle et si vivace, dont j’étais trop fier et que je croyais pouvoir rassembler toujours sous mon aile, va se disperser. Il le faut. Éveline va, je crois, épouser Thierray, Qu’elle a choisi elle-même, et que j’estime. Nathalie me suit à Paris : va m’y attendre ; nous vivrons là tous trois avec ma sœur. Je ne ferai ici, pendant l’année qui va commencer, que de rapides apparitions, comme j’y suis contraint depuis que j’ai eu le malheur d’accepter la députation. Ma femme libre calme, habituée déjà à l’idée de quelques années d’absence, séparée de celle de mes filles qui la tue, vivra tranquille et guérira auprès de ma Caroline. D’ici à un an, Nathalie sera mariée ; je donnerai ma démission, et alors, si tu peux me jurer sur l’honneur que tu es guéri, nous reviendrons vivre ici, et je caresserai de nouveau l’espoir que tu m’as donné de t’attacher à ma plus jeune… à ma meilleure fille ! Sinon, tu partiras pour l’Amérique, où tu auras peut-être ma fortune à sauver d’un danger toujours suspendu sur elle.

— Ce danger vous préoccupe trop peu, mon oncle, laissez-moi partir tout de suite,

— Non, dit Dutertre, qui s’effrayait des suites du désespoir d’Amédée, et qui n’osait l’abandonner trop à lui-même, tant le sentiment paternel vivait généreux et tendre dans son âme à côté du sentiment conjugal ; — non, le moment de s’occuper des choses matérielles n’est pas venu. Nous souffrons ici d’un mal moral, moi surtout, qui vais m’exiler encore une fois de ma maison, et associer ma vie pour plus de souffrances à celle d’une âme terrible, d’une fille parfois dénaturée ! J’aurai beaucoup à souffrir, mon ami ; il me faudra de la force et de la patience. Je n’aurai pas ma Benjamine pour essuyer mes larmes. Je laisse ce trésor à Olympe. Remplace