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vien, pour parler en route de sa femme ; car tu m’en parleras, je prévois cela.

— Il ne te sera pas possible de t’y soustraire, et c’est pourquoi je t’engage à bien dormir cette nuit.

Le lendemain, ils roulaient sur la route de Nevers, et Thierray parlait ainsi à son compagnon :

— C’est une femme de vingt à vingt-cinq ans, d’une beauté particulière, pénétrante, un peu bizarre, comme je les aime, en un mot. Des cheveux noirs abondants, lustrés, ondés naturellement, le teint blanc, uni, si pâle, que c’est un peu effrayant. Une manière d’être de s’habiller, de parler, qui, à force de vouloir ressembler à celle de tout le monde, ne ressemble à celle de personne. Une taille moyenne, souple, charmante ; le pied, la main, les dents, les oreilles… autant de perfections ; mais, par-dessus tout, un air de mystère qui donne à penser un an à chaque mot qu’elle dit, ou plutôt qu’elle ne dit pas. Comprends-tu ?

— Pas une syllabe, répondit Flavien. Dieu ! que les lettres t’ont gâté, mon pauvre Jules ! Tu composes tant, que tu ne peins plus du tout. Il est impossible de voir à travers ta fantaisie quelque chose qui puisse exister. Moi, je me méfie de ta femme de province. Je la vois mal mise, pas très-propre, guindée et bête à faire peur, sous un air profond. Je t’en demande pardon, mais c’est ta faute : voilà l’impression que me cause ton portrait.

— Madame Dutertre n’est pas une provinciale, c’est une étrangère, née et élevée à Rome, fille d’un artiste distingué, femme du monde dans ses manières.

— Ma foi ! je ne l’ai jamais vue, ou je ne m’en souviens pas. Comment s’appelait-elle avant de porter le beau nom de Dutertre ?

— Olympe Marsiniani.