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vertus, que je n’ai pas eu la pensée de compromettre votre femme. Je souffre de ses soupçons, c’est ce qui me rend amère pour elle ; mais je vous proteste, je vous fais serment devant Dieu que je ne les mérite pas.

Nathalie disait la vérité. Le hasard était seul coupable de la méprise ou de l’incertitude de Flavien. Nathalie n’avait pas remarqué qu’Olympe eût une fleur demi-cachée dans les dentelles de son sein, puisqu’elle-même avait arboré un instant une de ces fleurs. Elle l’avait vite jetée, en prenant note de l’inattention de Flavien. Puis, le jour où elle l’avait vu pour la dernière fois, elle s’était imaginé qu’il la regardait avec un certain intérêt. Les vieilles filles ont de ces illusions continuelles, et Nathalie, à force de se dire vieille fille par dépit, commençait à le devenir en réalité. Alors elle avait envoyé un bouquet signé Héliette, associant sa sœur à cette plaisanterie.

Elle fut tentée, pour rassurer entièrement son père, d’avouer toute l’aventure, et c’eût été le plus simple ; mais elle s’était trop enferrée en le niant d’abord. Une mauvaise honte la retint ; et puis, malgré le trouble où la plongeait sa vengeance, elle ne put se décider à y renoncer entièrement. Du moment où elle avait lu la lettre de Flavien, un sentiment nouveau s’était allumé en elle comme un incendie. Les ardeurs de la jeunesse avaient monté pour la première fois à son front glacé. De vagues aspirations lui avaient révélé le besoin de trouver dans le sein d’un être jeune, bouillant et résolu, l’initiative qui manquait à sa vie solitaire et froide. Flavien, sans s’en douter, lui avait révélé l’amour, sous un aspect bien peu éthéré, il est vrai, pour une jeune personne dont l’imagination visait au sublime, mais, en réalité, sous le seul aspect qui pût émouvoir une femme sans tendresse et sans dévouement : le trouble des sens.