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brave devant les conséquences de l’avenir ? Épouser une fille jeune, riche, belle, spirituelle, quand même elle est très-gâtée et très-folle, c’est un suicide qu’on peut accepter, surtout quand on sent qu’elle vous aime et qu’on espère la dominer par là.

Thierray ne se permit de nouvelles réprimandes que celles qu’autorisait son propre amour. Il laissa voir combien il avait été jaloux d’Amédée. Éveline confessa qu’elle avait joué un méchant jeu. Il y eut des moments où elle menaça de le recommencer et d’autres où elle s’effraya de l’avoir essayé, en voyant que Thierray n’était pas encore assez épris pour ne point rompre à la première offense de ce genre. En somme, ce long tête-à-tête fut bon à l’un et à l’autre. Éveline y éprouva la force d’un caractère qu’elle s’était flattée de vaincre facilement. Thierray sentit qu’avec de telles dispositions à la coquetterie, il fallait tenir la main ferme, et il se promit d’établir son autorité avant le mariage, si Éveline, par de nouvelles témérités, ne lui refusait pas le temps nécessaire à ce laborieux et délicat travail du cœur et de l’intelligence.

Au milieu de cette petite lutte, où mille digressions enjouées et amicales trouvèrent place, la pluie cessa de tomber et léchant du coq annonça l’approche de l’aube. Éveline s’apprêta à partir. Elle prétendait descendre seule le sentier de la colline et gagner le fourré, dans son costume d’Hélyette, assurant que quiconque la rencontrerait ainsi fuirait épouvanté. Cela eût été indubitable pour Gervais ou pour Manette, mais non pas peut-être pour les paysans, qui ne croyaient pas tous aux revenants, et dont quelqu’un pouvait avoir vu Éveline à Puy-Verdon sous ce même costume. Thierray exigea qu’elle mît son chapeau sous son bras, qu’elle couvrît sa taille et cachât sa tête sous une mante à capuchon, qu’il alla chercher sans bruit jusqu’au-