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château, que des demoiselles se permettent tout au plus dans leur propre maison, à l’égard des plus intimes amis de leur famille ?

— Pourquoi dites-vous que je risque mon honneur ? dit Éveline d’un ton très-fier ; car elle sentait qu’en dépit des paroles sévères de Thierray, sa voix émue s’était singulièrement radoucie.

— Vous avez l’habitude, répliqua Thierray, de répondre à des questions par d’autres questions, je le sais ; permettez-moi de ne répondre à la vôtre que quand vous aurez répondu à la mienne.

— Eh bien, mon Dieu ! dit Éveline, j’ai fait une folie parce que je suis folle, voilà tout le mystère ! Mais celle-ci n’est pas si préméditée que vous croyez. Tout cela est arrivé par hasard et sans réflexion. Ce costume, je ne l’ai pas fait faire pour vous. Il y a trois mois que je l’ai et que je le porte quelquefois dans le manège et dans le parc de Puy-Verdon ; c’est une fantaisie qui m’a séduite quand je suis venue ici après la mort de la chanoinesse, et lorsqu’il n’était question ni de vous ni de M. de Saulges dans notre vie. Mon père, désirant acheter la propriété, voulut tout examiner, même le castel, où nous étions venus rarement faire de courtes visites à la vieille dame. Nous montâmes dans le donjon ; Manette nous raconta eu détail la légende ; nous voulûmes voir le portrait : le costume me plut ; j’en fis un croquis et j’en commandai un tout de suite. Depuis, vous nous avez parlé plusieurs fois de cette légende ; vous avez même prétendu que M. de Saulges avait vu l’apparition, à preuve qu’il était parti brusquement comme un fou. Je vous ai souvent demandé ce que vous éprouveriez si la dame au loup se montrait devant vous au milieu de la nuit : vous assuriez mourir d’envie de la voir, tout en avouant que vous en auriez