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duit par son cerveau ; cependant il s’était fait un tel combat en lui-même, que si, au lieu d’une créature palpable, il n’eût saisi que le vide, il fût tombé évanoui, peut-être mort.

Un éclat de rire lui répondit, le masque tomba : c’était Éveline, revêtue d’un costume tout à fait semblable à celui du portrait de la défunte, coiffée de même, et belle à ravir dans cet accoutrement qui semblait avoir été inventé pour elle.

— Je suis contente de vous, brave chevalier ! lui dit-elle en lui tendant la main avec un effort d’assurance qui trahissait une assez vive émotion. C’est affaire à vous d’affronter les choses surnaturelles, et vous pourrez maintenant défier la véritable dame au loup de vous faire reculer d’un pas. À votre place, je n’aurais pas fait si bonne contenance, car il a suffi de votre affreux perroquet, dont je connaissais pourtant bien la monomanie, pour m’effrayer au point de me faire oublier mon rôle.

— Avant de répondre à vos agréables plaisanteries, dit Thierray, dont une sueur froide baignait encore les tempes, et qui se sentait porté à l’humeur beaucoup plus qu’à la joie, voulez-vous bien me permettre de vous demander, mademoiselle, comment il se fait que vous soyez ici ?

— Que vous importe ? répondit Éveline piquée de ce ton glacial. J’y suis, cela ne regarde que moi.

— Pardon ! cela me regarde beaucoup aussi. Je ne veux pas être responsable devant l’opinion et devant vos parents des conséquences d’une démarche aussi étrange de votre part.

— Rassurez-vous, monsieur, dit Éveline tout à fait blessée, votre réputation ne sera pas compromise par ma visite. Personne n’en saura rien.