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dame Dutertre est une coquette atroce à cause de son air candide, ou quelqu’un d’atroce veut la compromettre et la perdre. Dans l’un ou l’autre cas, je ne puis résister plus longtemps. Mon sang est allumé ; mon instinct de sauvage me domine, et j’aurai beau me railler et me mépriser, il faudra que je sois ou très-coupable ou très-ridicule, mécontent de moi-même dans les deux cas.

» C’est alors que j’ai vu entrer dans la cour le nouveau cheval qu’on m’amenait fort à point, et auquel je te prie de laisser le nom que je lui ai donné : Problème. J’ai trouvé qu’il trottait assez bien. J’ai pris la fuite. Je ne me suis arrêté qu’à Paris. J’y ai eu une affreuse migraine qui m’a duré trois jours. Mon médecin voulait me saigner ; mais je ne crois pas, quoi qu’il en dise, que l’on ait jamais trop de force : je pense, au contraire, que l’abus qu’on est tenté d’en faire prouve qu’on n’en a pas assez. J’ai fait beaucoup d’exercice, et je me trouve mieux. J’ai bien encore un peu de cette fièvre nerveuse que tu me connais, et j’ai parfois envie de battre quelque passant ; mais je ne bats personne, et j’espère même ne pas battre mon chien. Écris-moi : parle-moi de Puy-Verdon. Il est possible que la manière dont tu apprécieras tout cela me fasse rire de bonne grâce dans quelques jours.

» Tu trouveras, dans le secrétaire de ma chambre, cent billets de banque de mille francs que j’y ai oubliés. C’est le prix de mon patrimoine morvandiot que le notaire de Dutertre m’avait apporté le lendemain de la remise de ma procuration à Dutertre. Je n’en n’ai pas besoin. Garde-les-moi jusqu’à nouvel ordre, et emprunte-moi tant qu’il te plaira.

» Si c’est Éveline qui m’a mystifié, je le lui pardonne à cause de toi ; mais, si c’est Nathalie, qu’elle prenne garde à moi, si nous nous retrouvons dans le monde ! Je ne sais