— C’est bien de l’ambition et bien de l’orgueil, Nathalie, que de vouloir ainsi gouverner les autres. Ce despotisme ne serait-il pas limité par mon autorité naturelle et sacrée, si je vivais près de vous, et quand même je ne serais pas marié ? Il me faudrait donc vous obéir aussi, moi, ou vous voir malheureuse comme une reine détrônée ?
— Vous raillez, mon père, et ne raisonnez pas. Je me soumettrais à vous dans mon cœur, mais j’aurais sur vous l’ascendant de la persuasion. Pourquoi ne l’aurais-je pas aussi bien que votre femme, que vous consultez sur les moindres choses, et sans l’agrément de laquelle nous ne pouvons ni sortir, ni rentrer, ni manger, ni dormir à nos heures ? En quoi serais-je plus incapable qu’elle de gouverner ma maison et de choisir ma société ? Vous voyez bien que je ne suis rien ici ; et pourtant j’approche de ma majorité, je n’ai aucun des travers de la jeunesse, et je me sens faite pour succéder à l’autorité de celle qui m’a donné le jour.
— Ne pouvez-vous accepter le partage de cette autorité ? Ne vous l’a-t-on pas mille fois offerte, et, malgré vos refus, n’a-t-on pas persisté à vous consulter sur toutes ces choses de l’intérieur, pour lesquelles vous affichez précisément un profond dédain ?
— Ce n’est pas le gouvernement du pot-au-feu que je réclame : je n’en suis pas jalouse ; mais je réclamerais le choix de mes convives, de mon entourage, enfin.
— Ainsi, les hôtes que j’accueille ne vous conviennent pas toujours ?
— Pas toujours, j’en conviens.
— Et vous les chasseriez pour en introduire d’autres ?
— Peut-être, mon père.
— Et, comme votre belle-mère vous est antipathique,