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jamine l’occasion d’un immense éclat de rire, et sa dolente sœur, entraînée par la contagion de ce rire frais et sonore qui était chez Caroline comme l’hymne harmonieux de la virginité de l’âme, se présenta devant ses parents et devant Thierray avec le visage animé d’un naïf et cordial enjouement. Le front de Dutertre s’éclaircit. Olympe respira. Amédée remercia Éveline d’un regard amical, Thierray se demanda quelle pluie ou quelle rosée avait assoupli ces traits si beaux, dilaté ces yeux si brillants, et la trouva plus charmante qu’elle ne lui avait encore semblé. Nathalie éprouva pour la versatilité du caractère de sa sœur un profond dédain.

— Tu vois bien, mère ! murmurait la Cendrillon à l’oreille d’Olympe : quand je te disais que je la ramènerais bien belle et bien gaie !




XIV


Thierray fut positivement amoureux d’Éveline au dessert. Elle avait une expression qu’il ne lui avait jamais vue, quelque chose d’accablé et de souffrant qui voilait la hardiesse habituelle de son regard. Éveline, de son côté, pensait à l’éloge que son père lui avait fait de Thierray, et, bien que, par esprit de contradiction, elle fût d’autant plus disposée à le dénigrer tout haut, elle était flattée, dans le secret de son amour-propre, d’avoir un homme de quelque mérite à ses pieds. Elle connaissait le jugement et la pénétration de son père. Elle savait que, si sa bienveillance et sa générosité étaient immenses, son estime et sa confiance n’avaient rien de banal ou d’aveugle.