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s’asseoir avec beaucoup de grâce, elle mange un peu, elle rit un peu, elle a beaucoup de succès, et tout le monde est content.

— Qu’il faut de patience pour te supporter, Benjamine ! Dis-moi, tu seras donc toujours idiote ? Songes-tu que tu as seize ans et qu’on va peut-être te parler bientôt de mariage ?

— Oh ! moi, je n’aime pas cela, le mariage ! dit Benjamine. C’est bon pour vous qui êtes de grandes princesses. Mais, moi, je ne veux pas quitter ma mère, jamais, entends-tu bien ?

— Tu l’aimes donc bien ? dit Éveline. Allons, jusqu’à la Cendrillon qui l’aime plus que nous !

— Pour une fille d’esprit, vous dites des bêtises, répliqua la petite en s’agenouillant devant elle pour lui lacer ses bottines de satin noir. Vous faites tout votre possible pour vous rendre haïssable, et votre grand dépit vient de ce que vous ne pouvez pas empêcher qu’on ne vous adore malgré tout.

— Pauvre Cendrillon ! dit Éveline en attirant la tête brune de l’enfant sur ses genoux et en caressant ses cheveux flottants, naturellement bouclés comme ceux de son père. Tu seras heureuse, toi ! parce que tu es bête comme une oie et bonne comme un ange.

— Bah ! je ne suis peut-être pas si bête que tu crois, répondit Caroline en se relevant avec la légèreté d’un oiseau.

Elle fit rapidement un peu d’ordre dans la chambre pour épargner ce soin à Grondette ; puis elle prit sa sœur sous le bras et la força à descendre en courant et en sautant dans les grands escaliers en spirales adoucies du château. Un chat qu’elles éveillèrent en sursaut fit un bond fantastique en fuyant devant elles : ce fut pour Ben-