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Nathalie ne s’attendait pas à voir son père aborder la question avec cette netteté d’intention. Ne comprenant pas la grandeur et la pureté de son amour pour Olympe, elle croyait, à le voir éviter délicatement jusqu’à ce jour tout motif de rivalité domestique, qu’il rougissait de cet amour comme d’une faiblesse, et qu’il lui serait facile de le placer ainsi vis-à-vis d’elle sur un pied d’infériorité. En le trouvant ferme et résolu, elle battit en retraite, observa que la cloche du dîner sonnait, que ce n’était pas le moment d’une explication, et que, d’ailleurs, elle reculerait toujours devant la crainte de blesser et d’affliger son père.

— Vous pouvez m’affliger, dit Dutertre, si votre cœur est injuste ; me blesser, je vous en défie. Je ne comprends pas ce que l’amour-propre aurait à faire ici. Vous vous expliquerez ce soir, toutes les deux, quand nous serons seuls. Je ne veux pas m’endormir une nuit de plus sur le malentendu qui règne entre nous. Relevez vite vos cheveux, Éveline, et descendez. Vous, Nathalie, suivez-moi.

Nathalie, pour ne pas obéir et pour ne pas résister, passa la première, descendit d’un pas ferme, et alla s’asseoir à table avec un visage froid.

Éveline se récria sur l’impossibilité de se montrer dans le négligé et dans le trouble où elle se trouvait.

— Eh bien, répondit Dutertre, restez ; je dirai que vous avez un peu de migraine. Mais vous vous calmerez et vous descendrez dans une heure. Je l’exige.

Il descendit à son tour, mais il lui fallut toutes les forces de sa volonté et de son organisation pour cacher sa souffrance intérieure. Olympe n’y fut pas trompée. Elle regarda Amédée avec inquiétude comme pour l’interroger. Un pressentiment sinistre s’empara d’elle en voyant que son neveu évitait ses regards et que son mari souriait