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per le caractère hautain et dur de l’aînée, l’indépendance fougueuse de la seconde ; il avait deviné que son bonheur, à lui, deviendrait facilement un motif d’aigreur ou un prétexte de révolte. Depuis huit jours surtout, il croyait voir et toucher du doigt ces plaies secrètes dont il n’appréciait pourtant pas encore la profondeur. Mais Olympe l’avait toujours rassuré. Niant toutes ses souffrances, toutes ses humiliations, tous ses déboires, palliant les torts d’autrui, réparant ou cachant le mal avec une persévérance et une délicatesse inouïes, elle avait réussi à rendormir son mari dans la douce quiétude dont il éprouvait le besoin. Elle espérait lui cacher toujours les sourdes angoisses de cet intérieur troublé. Depuis deux ans qu’il avait accepté la députation, il faisait d’assez longues absences pour que cette difficile entreprise n’eût pas encore échoué, et, quoique Olympe n’aimât pas le monde, elle accueillait volontiers l’entourage nombreux qui, au retour de son mari, empêchait celui-ci de voir l’abîme creusé sous la pierre même de son foyer.

Cette fois, enfin, il le pressentit, et, se retournant par le même mouvement instinctif que sa femme, il vit les yeux noirs et profonds de Nathalie attachés sur elle avec une singulière expression d’ironie et de dédain. Nathalie haïssait Olympe désormais de toute la force de l’orgueil blessé. Elle avait essayé de plaire à Flavien à sa manière, Flavien ne s’en était pas aperçu ; il n’avait vu qu’Olympe, et Nathalie avait juré de se venger, fallût-il traverser le cœur de son père pour arriver à celui de sa rivale.

Quelques instants après, pendant que la famille se mêlait aux ouvriers, et qu’on arrosait de vin et d’argent la pioche et la bêche enrubannées présentées par eux aux dames du château, Dutertre prit le bras d’Amédée et